Durant une quarantaine d’années, les petites voitures jaunes et bordeaux du funiculaire de Cannes transportent touristes et Cannois à travers la colline de la Californie afin d’admirer le panorama extraordinaire qu’offre la Perle de la Côte d’Azur. Cent ans cette année que la première pierre de la gare de départ de ce projet est posée par le maire de Cannes André Capron, le 21 avril 1925.
Construction du funiculaire de Super-Cannes. 1925-1928. Photographie extraite de l’album d’Eugène Crottaz, ingénieur chez Dyle & Bacalan. Photo A. Traverso.
Archives municipales de Cannes, 11S277
En 1924, la Société Immobilière de Paris et du Littoral (SIPL) projette la construction d'un hôtel sur un site plus élevé que celui de l'Observatoire de la Californie mentionné par le plan régulateur de 1883-1886. Afin d’y accéder, celle-ci décide de faire construire un funiculaire. La construction des gares de départ et d’arrivée est alors confiée à la société italienne Ceretti et Tanfani, spécialisée dans les téléphériques et les remontées mécaniques, probablement sur les plans de l’ingénieur E. Jaulin, également directeur de la SIPL. C’est la Société de travaux française Dyle & Bacalan qui construit le funiculaire selon les plans et les brevets de la société italienne avec laquelle elle a déjà collaboré pour construire le premier téléphérique pour voyageurs de France sur les pentes de l’Aiguille du Midi à Chamonix.
Notre document du mois est l’une des photographies contenues dans l’album constitué par Eugène Crottaz, ingénieur de l’entreprise Dyle & Bacalan, qui est arrivé aux Archives de Cannes par l’intermédiaire de sa petite-fille.
Le tracé du funiculaire passant par diverses propriétés privées, la SIPL ne parvient qu’en 1925, et non sans difficultés, à faire exproprier les 130 hectares de terrains utiles pour la réalisation du projet. Le trajet longe alors le chemin de Montfleury, traverse le boulevard des Pins et le boulevard Beausoleil, et rencontre le canal des eaux de la Siagne et du Loup.
Dans sa séance du 20 juillet 1925, le conseil municipal autorise l’établissement de la ligne et accorde la concession à la SIPL qui exploite le funiculaire et entreprend alors l’élargissement du boulevard Montfleury, facilitant l’accès à la gare de départ. De style néoprovençal, identique à la gare de départ située tout proche de l’hôtel Montfleury, la gare d’arrivée est quant à elle située au 8 avenue du funiculaire et est agrémentée d’un restaurant, l’Auberge du Super-Cannes, renommé plus tard Le Constellation.
Le dispositif comporte deux voitures, l’une montante, l’autre descendante, composées chacune de trois compartiments et pouvant accueillir jusqu’à cinquante voyageurs par voiture. Pour rejoindre les deux gares, un trajet de 7 minutes seulement est nécessaire, avec un départ tous les quarts d’heures, et un débit maximum enregistré de 2 500 voyageurs en seize heures.
Construction du funiculaire de Super-Cannes. 1925-1928. Photographie extraite de l’album d’Eugène Crottaz, ingénieur chez Dyle & Bacalan. Photo A. Traverso.
Archives municipales de Cannes, 11S277
Afin de faciliter l’accès au sommet de la Californie, un boulevard de neuf mètres de large sur quatre kilomètres et demi de long est livré à la circulation en 1926. Cette voie devient bientôt la piste de courses de carrioles d’enfants qui connaissent par cœur ce parcours difficile et qui dévalent à toute vitesse la colline de Super-Cannes.
Délibération du conseil municipal, séance du 28/12/1927
Archives municipales de Cannes, 1D51
Le funiculaire de Super-Cannes est officiellement inauguré le 7 janvier 1928 par André Capron, maire de Cannes, en présence de nombreuses personnalités parlementaires et départementales, et notamment Yves Le Trocquer, ancien ministre des Travaux publics. Dans l’édition du 15 janvier 1928 de La Saison de Cannes, il est rapporté qu’ « après un porto dégusté à l’Auberge de l’Observatoire, (…) des cars emmenèrent les excursionnistes faire le tour du domaine ». Et que « pour terminer cette manifestation inaugurale, un remarquable banquet fut servi au Carlton et se terminera par une série de discours d’une grande éloquence. »
La Saison de Cannes, n° du 15/01/1928
Archives municipales de Cannes, Jx9
Dès 1929, des accords avec des sociétés d’autobus sont signés pour desservir les deux gares à partir de Cannes, Vallauris et Juan-les-Pins. Par la délibération du 27 janvier 1930, les treize boulevards ouverts dans le domaine de Super-Cannes sont cédés gratuitement à la ville de Cannes par la SIPL et classés dans la voirie urbaine.
En 1931, les pertes financières du funiculaire contraignent la société à vendre ses terrains afin de rembourser son emprunt. Néanmoins, l’exploitation se poursuit jusqu’en 1966, date à laquelle elle est arrêtée en raison d’un manque de rentabilité lié à l’éloignement du centre-ville et au coût élevé du service de car. Malgré des tentatives de sauvetage, les installations laissées à l’abandon se dégradent au fil des ans jusqu’à ce que la façade de la gare inférieure soit murée, repeinte et sa toiture rénovée. Les deux œuvres peintes par Louis Pastour qui ornaient sa salle d’attente font aujourd’hui partie des collections du Musée des Explorations du Monde.
Sources :
Archives municipales de Cannes :
11S277. - Album de photographies du chantier du funiculaire, construction S.A. DYLE & BACALAN, Paris, 1925-1928. Reportage de la construction du funiculaire, constitué par l'ingénieur Eugène CROTTAZ (1894-1968) : photographies des étapes du chantier, des ouvriers, vues de Cannes, deux cartes du trajet du funiculaire, dépliant publicitaire. Achat auprès de Mme CAVIN, petite-fille d'Eugène CROTTAZ qui travaillait pour l'entreprise DYLE & BACALAN.
1D50. - Délibération du conseil municipal, séance du 20/07/1925
1D51. - Délibération du conseil municipal, séance du 28/12/1927
Jx9. - La Saison de Cannes, n° du 15/01/1928
Région Sud :
Dossier d’œuvre architecture IA06000602 réalisé par François Fray et Camille Milliet-Mondon : https://dossiersinventaire.maregionsud.fr/dossier/IA06000602