À l’occasion du 80e anniversaire de la Libération de Cannes par les forces Alliées, les Archives municipales se mettent à l’heure américaine.
Tablée d'officiers anglais et américains, 1946.
Photographie Traverso.
Archives municipales de Cannes, 13Fi334
À la fin de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, l’Armée américaine souhaite conserver ses troupes en bonne condition physique et morale. Dès 1917, elle autorise chaque soldat à bénéficier de sept jours de permission tous les 4 mois. Afin de veiller à leur bien-être, l’année suivante, deux réseaux s’organisent entre Hyères et Menton : le Centre de Permission de la Riviera et le Centre Hospitalier de la Riviera. Entre novembre 1918 et juin 1919, 100 000 soldats séjournent ainsi sur la Côte d’Azur à des fins de convalescence et de repos. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, entre janvier et décembre 1945, ils sont 300 000 hommes à venir se reposer et se divertir dans la région.
Le 24 août 1944, à Cannes, les « libérateurs » profitent d’un accueil triomphal. Quelques mois plus tard, l’USRRA - United States Riviera Recreational Area - organise l’accueil de permissionnaires américains sur la Riviera. Le Colonel Warren E. Pugh, administrateur de l’USRRA et responsable du district de la Riviera, assure le lien entre l’armée américaine et les autorités cannoises depuis la villa Terrestre où il réside. Il réquisitionne une écrasante majorité du patrimoine immobilier de la ville pour y loger les permissionnaires et les services de l’USRRA : l’État-major investit la villa Fiorentina, les services administratifs installent leurs bureaux à l’hôtel Carlton.
Aussi, le 28 mars 1945, un premier train avec une centaine d’officiers en provenance des lignes les plus proches du front allemand, arrive à Cannes. Par la suite, pendant un an, ce sont 3 000 officiers, avec chacun 10 000 francs en poche, qui débarquent chaque semaine dans la cité azuréenne. Leur présence est une aubaine pour l’emploi et le commerce. La presse locale rapporte que les Women’s Army Corps (WAC) font leurs emplettes dans les magasins cannois à la recherche de souvenirs. Néanmoins, les denrées manquent, le rationnement persiste dans les mois qui suivent la libération. Alors qu’une soupe populaire est toujours proposée aux plus démunis, les Cannois peuvent compter sur des distributions de nourriture et de vêtements issus des stocks américains pour améliorer l’ordinaire.
Sur le plan des divertissements, les services de l’USRRA animent et coordonnent des activités de repos et de loisirs. L’année 1945 est marquée par des fêtes et célébrations telles que l’Independance Day, le 4 juillet à l’hôtel Carlton, ou encore l’Air Force Day, le 4 août. Thanksgiving day, le 29 novembre 1945, est un modèle du genre. Une demi-journée de congé est donnée à tous les Azuréens pour l’occasion. La fête débute à Cannes par la nomination du colonel Warren E. Pugh, au titre de citoyen d’honneur de la ville, puis se poursuit à Nice où un match de football américain est joué au stade Saint-Augustin. Enfin, une grande soirée dansante accueille au casino municipal de Nice 5 000 Américains et Français, lesquels participent à l’élection de Miss USRRA et d’un « Pin-up boy » de la Riviera.
Par ailleurs, l’organisation de compétitions sportives est l’occasion pour la population cannoise de découvrir le baseball, le football américain et le basketball. Dans les clubs et dancings américains, on se déhanche sur les rythmes du jazz, du swing et du rock’n roll. Durant l’été 1945, l’hôtel Martinez accueille des concerts de musique jazz avec le tandem Emile Stern et Fred Ermelin. La vedette favorite des permissionnaires reste le chanteur Weeno qui interprète les titres One Meatball de Josh White et Rum and coca-cola, titre rendu célèbre par le groupe The Andrews sisters.
Cette parenthèse américaine dans la vie cannoise prend fin en février 1946. Les permissionnaires sont en effet contraints de se regrouper à Nice où se trouve le siège de l’USRRA. Les raisons évoquées par le colonel Pugh dans une lettre de remerciement adressée au maire de Cannes Raymond Picaud sont principalement d’ordre économique, mais l’on sait par ailleurs que la municipalité, soucieuse d’organiser la première édition du festival international du film prévue en septembre 1946, fait pression sur les autorités américaines pour qu’elles libèrent les hôtels et les villas.
De cette cohabitation souriante mais parfois pesante pour la population - certains mauvais comportements des permissionnaires étant à déplorer (forte consommation d’alcool, bagarres, vitesse excessive au volant) - il reste une fascination pour ces hommes, instruments de l’American way of life, et aussi… quelques bébés nés de la rencontre entre deux mondes épris de liberté.
Officiers américains en permission au club Normandie à Cannes, 21 juillet 1945.
Photographie Capt Tom Hope, 9th Army.
Archives municipales de Cannes, 13Fi176