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18 avril 2024|Culture

Le document du mois d'avril 2024

Marcel Pagnol et l’énigme du Masque de Fer

À l’occasion du 50e anniversaire de la mort de Marcel Pagnol survenue le 18 avril 1974 à Paris, les Archives municipales de Cannes publient deux lettres autographes du célèbre écrivain, dramaturge et cinéaste français, conservées dans leurs fonds. Président du jury de la 8e édition du Festival de Cannes, en 1955, c’est d’abord le cinéma qui relie Marcel Pagnol à Cannes. Mais une toute autre histoire, moins connue du grand public, le rattache à la cité azuréenne : celle de l’énigme du Masque de Fer. Retour en arrière …

Le 19 novembre 1703, au terme d’une longue captivité, un prisonnier dont nul ne connait le nom ni le motif de l’incarcération meurt à la prison de la Bastille à Paris. Arrêté par ordre du roi de France, Louis XIV, « Le Masque de Fer » est incarcéré dans le plus grand secret d’abord au donjon de Pignerol et au château d’Exilles, situés à la frontière du duché de Savoie, puis au fort de l’île Sainte-Marguerite au large de Cannes, avant de rejoindre la prison de la Bastille, dernière étape de son périple.

L’historien Marcel Pagnol sur les traces du Masque de Fer

Le mystère autour de l’identité de ce prisonnier, décrit lors de sa mort comme « toujours masqué » et amené depuis l’île Sainte-Marguerite par son geôlier Monsieur de Saint-Mars, nourrit toutes sortes d’hypothèses. Pendant plus de trois siècles, hommes de lettres, historiens et anonymes se passionnent pour ce secret d’État et cherchent les preuves qui permettraient de le percer. Dans les années 1960, Marcel Pagnol, alors au sommet de sa gloire, se plonge à son tour dans l’énigme du Masque de Fer. Faisant œuvre d’historien, le romancier à l’imagination débordante, mène une minutieuse enquête qui le conduit jusqu’au Fort Royal de l’île Sainte-Marguerite. C’est là, en effet, à l’écart du monde, que le Masque de Fer a été enfermé pendant onze ans dans une prison d’État construite sur mesure, logée au cœur du vieux fort.

Dans les deux lettres présentées ici, adressées au maire de Cannes, l’une datée de novembre 1964 et l’autre d’août 1966, Marcel Pagnol sollicite la communication des mesures du « cachot » ainsi que l’autorisation de faire déboucher les « lieux d’aisance » du Masque de Fer, persuadé que ce dernier aurait laissé tomber à la mer une assiette en argent sur laquelle il aurait gravé un message pour signaler sa présence. Il se propose même d’explorer le fond de la mer avec des plongeurs, à la recherche de l’assiette. En l’absence des courriers réponses, les suites données par le maire à cette extravagante et savoureuse requête restent malheureusement inconnues.

 

Documents à télécharger :

Lettre - Saint-Tropez, 23 août 1966 (pdf - 1,1 Mo)

Lettre - Paris, 25 novembre 1964 (pdf - 344 Ko)

Archives municipales de Cannes, 11S6

 

Une visite de Pagnol à l’île Sainte-Marguerite est bien relatée par l’écrivain Jean-Jacques Antier (Les grandes heures des îles de Lérins, 1975, Paris : Librairie Académique Perrin, p. 287-288) dans les termes suivants : «  Mathurine [Cogno, gardienne du fort] fit visiter le fort à bien des personnages illustres, du président Pinay au Négus, en passant par tous les hommes de lettres qui écrivirent sur le Masque de fer. En 1964, l’un d’eux visita la fameuse cellule. Mathurine, assez agressive car elle venait de lire un essai de Marcel Pagnol qui lui avait semblé « bien écrit mais mal documenté », lui lança :

  • J’espère que vous ferez mieux que Pagnol !

Et l’autre répondit, énigmatique :

  • On essayera de faire mieux la prochaine fois.

C’était Pagnol ! Il s’éclipsa discrètement, et l’année suivante paraissait son livre qui, cette fois parfaitement documenté, enchanta la vieille gardienne. »

La thèse de Marcel Pagnol : le Masque de Fer ou le frère jumeau du roi

Selon Pagnol, le Masque de Fer ne serait autre que le frère jumeau du roi. Ce frère né en second, autrement dit le cadet, aurait été dissimulé pour éviter toute revendication du trône français. Pagnol cherche inlassablement des éléments pour démontrer que le prisonnier ne peut être identifié à un valet ou au comte Matthioli comme le soutiennent certains historiens. Il développe sa thèse dans un essai historique édité à Paris aux Éditions de Provence en 1965, Le Masque de Fer, repris en 1973 sous le titre Le secret du Masque de Fer, complété notamment par des recherches sur James de la Cloche, identifié au prétendu frère jumeau de Louis XIV.