À l’occasion des Journées européennes de l’archéologie (14, 15 et 16 juin) et dans le contexte du 80e anniversaire du débarquement de Provence et de la Libération de Cannes, les Archives municipales et les Musées de Cannes s’intéressent au « Mur de la Méditerranée », la ligne de fortifications construite par le Troisième Reich en prévision d’un débarquement allié. Le fonds photographique des Archives préserve la trace de nombreux bunkers disparus, tandis qu’aux îles de Lérins, d’imposants blockhaus témoignent encore, à leur manière, d’une douloureuse occupation.
Dégâts des bombardements de la Pointe Croisette (août 1944) : la villa La Corne d’Or et un blockhaus allemand, touchés par les tirs.
Cette photo, prise dans le quartier des Hespérides après la libération de Cannes, montre un blockhaus équipé d’un canon de marine français de 75 mm protégé par un blindage. Plusieurs canons de ce type, datant de 1908, avaient été récupérés par les Allemands à l’ancienne Batterie de la Maure (Vallauris) afin de défendre la rade de Cannes.
Tirage photographique en noir et blanc
Archives municipales de Cannes, 13Fi316
Après l’annexion de la « zone libre » par l’Allemagne nazie en 1942, Cannes tombe aux mains des troupes italiennes puis de l’armée allemande, qui occupe la ville à partir du 9 septembre 1943.
Craignant un débarquement de forces alliées, la 148e Division de réserve de la Wehrmacht organise sans tarder la défense du littoral cannois : le rivage est transformé en front défensif, hérissé de casemates d’artillerie (blockhaus) et clôturé de murs et de barbelés, de barrières antichars, de champs de mines et d’un filet anti-sous-marin.
Construits par des centaines de soldats polonais enrôlés de force et de travailleurs cannois réquisitionnés, ces ouvrages font partie du « Mur de Méditerranée » – le Südwall – qui s’étend de Menton à Cerbère (Pyrénées-Orientales) et fait pendant au redoutable Mur de l’Atlantique. Affaibli par les bombardements et les pénuries, le Südwall ne résiste toutefois pas au débarquement de Provence, le 15 août 1944, lors de l’opération « Anvil-Dragoon ».
Libérée le 24 août, Cannes se débarrasse rapidement des imposants bunkers en béton armé qui défigurent ses plages et ses collines. Les derniers seront détruits dans les années 1980, à l’exception de deux petites structures encore visibles.
Aux îles de Lérins, en revanche, l’ensemble du système défensif allemand est resté quasiment intact, avec ses six blockhaus de type H670, prévus pour des canons de marine de 47 mm, appuyés par plusieurs plateformes pour mortier, postes de tir fortifiés (tobrouk) pour mitrailleuse légère, abris et constructions diverses.
Longtemps ignorés, voire négligés, ces ouvrages constituent un patrimoine exceptionnel et un témoignage unique de l’occupation de Cannes par le Troisième Reich.
Blockhaus à la Pointe de la Convention (Île Sainte-Marguerite), endommagé par les tirs alliés en août 1944
On ne connaît aucune photo des bunkers des îles de Lérins à l’époque de leur construction. Les mesures de restriction imposées par les occupants expliquent sans doute cette absence : évacuation des îles dès juin 1943, navigation interdite au-delà de 300 mètres du rivage, accès prohibé à la zone côtière, interdiction de la photographie « en plein air » à partir de février 1944…
Cette casemate couvrait l’entrée du Frioul, l’étroit bras de mer séparant Sainte-Marguerite et Saint-Honorat. Son architecture correspond à l’un des nombreux modèles-types – ici le « H670 » – conçus pour le régime nazi par l’Organisation Todt (OT). La standardisation des fortifications permettait une construction rapide et efficace, facilement adaptable à la configuration du terrain.
© Mairie de Cannes / C. Roustan Delatour