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07 mai 2025|Culture

Le document du mois de mai 2025

Le 9 mai 1945, Cannes célèbre la victoire !

À l’occasion du 80e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Archives municipales reviennent sur la journée de fête organisée à Cannes au lendemain de l’annonce de l’armistice, le 8 mai 1945. 

Extrait du journal de Bernard Fleisch, cahier n° 7, 22 avril au 8 mai 1945.
Du 25 mai 1944 au 8 mai 1945, Bernard Fleisch, âgé de 14 ans, résidant à Marseille, reporte dans sept cahiers d’écolier les évènements de la guerre à partir de coupures de presse qu’il commente.
Le 7 mai 1945, date de la signature de l’armistice à Reims, il exprime sa joie.
Archives municipales de Cannes, Fonds Fleisch, 11S29

 

Les 7 et 8 mai 1945, les délégations allemandes signent la capitulation sans conditions à Reims et à Berlin. Si les combats sur le front occidental sont bien terminés, il faut attendre la reddition japonaise le 2 septembre de la même année pour que la Seconde Guerre mondiale soit définitivement terminée.

Les derniers combats dans le Département des Alpes-Maritimes
Bien que les villes côtières soient libérées entre août et septembre 1944, l’arrière-pays niçois reste aux mains des Allemands jusqu’en avril 1945. En réaction à l’intensification des combats, les Allemands ordonnent la déportation en Italie, à Turin, de 2 200 habitants des communes de Moulinet, Fontan, Saorge et de Breil-sur-Roya (décembre 1944). Le 1er mars 1945, le général de Gaulle crée le Commandement du front des Alpes. Sous les ordres du général Doyen, la 1er Division française libre (DFL), après avoir combattu en Alsace, a pour mission de libérer le massif de l’Authion. Le 9 avril, le général de Gaulle annonce à Nice « que nos armées vont franchir nos Alpes ». Le 10 avril, la 1er DFL passe à l’attaque mais les combats sont rudes. Le 12, les cimes de l’Authion sont prises mais la route de la Roya est défendue farouchement par les Allemands. Breil-sur-Roya est libérée le 15 avril, après trois jours de lutte. Tout le département des Alpes-Maritimes est finalement libéré le 28 avril. L’annonce de l’armistice intervient seulement 11 jours après la fin des derniers combats.

Cannes en liesse, le 9 mai 1945

Une famille cannoise dans le jardin de sa villa, le 9 mai 1945.
Archives municipales de Cannes, Don Famille Robin de Flotte Villars, Daumas, Rizzo, 11S192

 

La presse locale se fait l’écho de ce jour de fête. Le journal L’Avenir de Cannes et du Sud-Est titre ce jour-là : « Le jour de la Victoire, Cannes a donné libre cours à sa joie ». « C’est à 15h05 (…) dans le hululement des sirènes, les salves d’artillerie et le carillon des cloches du Suquet, que l’enthousiasme s’est déchaîné à Cannes et aussitôt a reflué vers la Croisette. (…) Le spectacle fut digne des grands jours de liesse. Tandis que tonnaient les canons de notre beau croiseur qui a arboré le grand pavois « Gloire », la foule postée sur le rivage donnait libre cours à sa joie… » Partout, dans la ville, la joie est à son comble. Les militaires se joignent aux civils et alors, comme au 24 août, nous assistons aux mêmes élans de la foule vibrante clamant le triomphe de la libération. Mais c’est aujourd’hui la Paix. »

La manifestation de la victoire s’organise autour d’un programme de festivités détaillé dans l’article : « La cérémonie de la Victoire aura lieu à 17 heures au monument aux Morts, devant l’hôtel de Ville : dépôt de couronnes devant le monument aux Morts, salut aux drapeaux, chant de la Marseillaise et allocution du maire ». Quant à l’ordre du défilé militaire, il est précisé : « Musique de la Police de Nice, détachement de la Police, détachement de la Marine américaine, détachement de la Marine anglaise, détachement de la Marine française, blessés du Majestic, Musique de la 1ère DFL ; deux bataillons de la DFL, une batterie d’artillerie ». On apprend également qu’une distribution immédiate d’un litre de vin supplémentaire est proposée pour l’occasion pour tous les consommateurs du département, contre ticket n° 10 d’avril de la feuille semestrielle.

Le 11 mai, le journal revient sur les festivités : « Parmi les personnalités qui président la manifestation, on reconnaît : M. le docteur Raymond Picaud, maire de Cannes, M. de la Porte, sous-préfet de Grasse, M. Pourtalet, député, les autorités militaires françaises,(…) américaines avec le Colonel Pugh, commandant l’US Army à Cannes et anglaises avec le colonel Graham, représentant le gouvernement de sa Majesté britannique (…) Après les discours, les autorités, les associations viennent déposer des gerbes au pied du Monument aux Morts. » (…)  Dans le bleu du ciel une escadrille de « Piper-Cups » (sic) survole la ville. Par moment, en passant au-dessus du monument, les appareils descendent très bas et viennent raser les platanes des Allées ». Puis les troupes défilent, « passant par la rue d’Antibes puis la rue du Canada et redescendant par la Croisette, le cortège est partout follement ovationné. La joie de la Victoire n’est plus contenue et interminablement répétée, tout au long du parcours, acclamant les soldats, la foule fait le geste du V avec les deux doigts de la main. » 

L’ordre des troupes dans le défilé est relaté : « Derrière une « Jeep » de la Military Police, la musique de la Police ouvre la marche (…) puis vient une compagnie américaine avec son drapeau, une compagnie de débarquement du croiseur « Gloire » ancré au large de Cannes, les blessés des hôpitaux Majestic et Mire-Juan, la musique du 18e régiment des tirailleurs sénégalais, la première D.F.L., le 22e bataillon nord-africain, le 4e bataillon de marche de la France Libre, précédé de Marie-Jeanne, la vaillante femme-soldat, décorée de la Légion d’honneur et de la Croix de guerre ; une compagnie anti-chars de la 2e brigade de la France Libre, la compagnie-canon de la 2e brigade de la première D.F.L. »  

L’Avenir de Cannes et du Sud-Est, n° 115, 11 mai 1945
Archives municipales de Cannes, 92Num

 

Marie-Jeanne, la « femme-soldat » du défilé de la victoire à Cannes
Seule femme ayant combattu au sein de la 1ère DFL, Paulette Jacquier alias « Marie-Jeanne » dans la Résistance, fait une apparition remarquée à Cannes en défilant au milieu de ses frères d’armes. Après avoir pris part à la libération de Breil-sur-Roya en avril 1945, elle participe quelques jours plus tard aux défilés de la victoire organisés le matin à Antibes, et l’après-midi à Cannes.

Son parcours est exceptionnel. Originaire de La Frette, en Isère, Paulette Jacquier devient en mars 1941, à seulement 22 ans, agent de liaison dans la Résistance. Avec son père, elle organise des sabotages sur la voie ferrée reliant Grenoble à Lyon. En juillet 1944, elle est arrêtée à Bourgoin-Jallieu lors d'une tentative d'attaque d'un convoi allemand. Incarcérée, elle réussit à s'échapper et rejoint le bataillon de Chambaran dans le secteur 3 de l'Armée secrète de l'Isère. À la Libération, elle intègre la 1ère division française libre en tant que fusilier-voltigeur et participe aux combats libérateurs, en première ligne, entre 1944 et 1945. Son engagement et ses faits d’armes lui valent plusieurs distinctions : la Légion d’honneur qu’elle reçoit des mains du général de Gaulle le 14 septembre 1944 à Lyon (grade de chevalier, puis grade d’officier remis en 1974), la Croix de guerre 1939–1945, palme de bronze et la Médaille de la Résistance française avec rosette (décret du 14 juin 1946).

Passage en revue des soldats de la 1ère Division Française libre lors du défilé du 9 mai 1945 à Cannes. 
Sur l’esplanade de la Pantiero, au premier rang, à droite, Paulette Jacquier alias « Marie-Jeanne ».
Archives municipales de Cannes, Fonds Fourès, 66Fi

 

Paulette Jacquier, alias Marie-Jeanne, lors du défilé du 9 mai 1945 à Cannes.
Elle arbore une tenue militaire et porte autour du cou la croix de Lorraine.
Archives municipales de Cannes, Fonds Fourès, 66Fi

 

Un film amateur 16mn, témoignage exceptionnel 
Conservé dans les collections de l’Institut audiovisuel de Monaco, ce film amateur rend compte des festivités et de l’ambiance à Cannes lors de la célébration de l’armistice. D’une durée de 16:00 mn, nous avons sélectionné 09:52 mn de ce document inédit que nous diffusons ici avec l’autorisation de l’Institut audiovisuel de Monaco.

Film 16 mm • Référence 0239-339-CF5294 • Fonds Gérard Zémour • Collection Institut audiovisuel de Monaco

 

Pour finir, à Cannes, la toponymie rappelle la victoire du 8 mai 1945 :

  • le « Square du 8 mai 1945 », près du port Canto (délibération du 3 mai 1972)
  • le « boulevard de la 1ère Division française libre » situé sur la voie rapide (délibération du 31 janvier 2005).

 

Sources :

  • Archives municipales de Cannes :
  • 92Num - L’Avenir de Cannes et du Sud-Est, 1944-1945
  • BH121 - Jean-Louis Panicacci, Les lieux de mémoire de la Deuxième Guerre mondiale dans les Alpes-Maritimes, Editions Serre, 1997.
  • BH261 - Jean-Louis Panicacci, Les Alpes-Maritimes de 1939 à 1945 : un département dans la tourmente, Editions Serre, 1989.
  • BH1376 - Michel Braun, Jean-Pierre Garacio, Jean-Louis Panicacci, 1939-1945 : la guerre dans les Alpes-Maritimes, Editions du Cabri, 1994.

 

  • Médiathèque Noailles, Cannes :
  • Jean-Pierre Domérégo, Les batailles de Sospel et de la Roya, O.M.L.S. Nice, années 1970 (combats de la 1èrer DFL dans l’arrière-pays niçois, pages 56-73).

 

Sitographie :

  • Marie-Jeanne :