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Jean-Robert Fournier

Confinou et Confinette

Confinou et Confinette sont assis sur le vieux canapé dans leur petite maison perdue dans la forêt. C'est le soir.

Elle demande : Quel jour sommes-nous ?
- Jour 183 répond Confinou en bâillant.
- Déjà !

Le jour baisse. La grande pièce est presque vide. Il avait fallu vendre presque tous les meubles et la télé aussi.

Maintenant Confinou a les cheveux longs et une grande barbe. Il s'occupe comme il peut en sculptant un bâton de noisetier avec son Opinel. Il y grave le nombre : "183".

- Ça te sert à quoi de faire ça ?
- Je ne sais pas. Robinson Crusoé, sur son île déserte, il taillait une encoche sur un arbre pour chaque jour qui passait. Elle se tait et reprend son tricot.

- Tu n'aurais pas vu mes lunettes ? Je perds mes affaires et depuis quelques jours je cherche mes mots.

Au travers de la fenêtre on voit le soleil disparaître derrière la colline. Confinou ne dit rien et regarde au loin. Le bruit de la grosse horloge murale emplit le vide : tic tak, tic tak, tic tak…

- À quoi tu penses Confinou ?
- À rien
- Est-ce que j'existe seulement pour toi ?

Il ne répond pas. Existent-ils encore pour quelqu'un ces deux vieux qu'on a oubliés au fond du trou du confinement ?
On les a mis au rencart. Déjà heureux qu'ils aient échappé à la grande casse des maisons de retraite. Alors il ne faut pas qu'ils se plaignent.

- Il reste de la bière ? demande Confinou. La cagette posée au sol devant eux est à moitié vide. Il décapsule deux canettes et ils trinquent en choquant les bouteilles. Ils boivent longuement, à même le goulot.

Elle essuie une moustache d'écume blanche d'un revers de main. Il rote bruyamment.
Ils se mettent à rire, mais à rire ! À rire sans pouvoir s'arrêter.
Ils sont irrécupérables ! Économiquement irrécupérables.
Leur confinement va encore devoir être prolongé très longtemps. Voir même être définitif. Dans leur intérêt et celui de la population.