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Jacky

Nouvelle - Prix spécial Humour

De COURS Florence
 

Je m’appelle Jacky. Je suis un sanglier. J’ai un an et pèse cinquante kilos. Moi, le confinement, je connais ! J’habite dans la forêt de la colline de la Californie avec mes parents et ma famille. Depuis mi-mars, plus de chasseurs dans la forêt. Le calme plat. On s’amuse comme des fous ! On court, parfois on joue à chats, on se roule par terre…

Le soir, je sors car ma mère m’a donné la permission de minuit pour aller me balader. Je vais sur la route. Tranquille, il n’y a plus de voitures. J’y rencontre des animaux de toute sorte. J’y ai même remarqué une belle biche qui m’a, je crois, fait de l’œil. Mais, l’amour, ce n’est pas pour moi ; je suis trop jeune !

Le soir, je sors. Un peu plus. Plus de voitures. Plus de bruit. Plus de pollution et surtout plus de chasseurs. Le ciel est magnifique.

Le soir, je sors. Beaucoup plus. Je descends la colline et vais voir ce qui se passe en ville. Je viens de passer le panneau « Cannes ». Personne non plus ici. Ils sont où les gens ? Ils sont partis ? Pas de bruit. Ah oui, c’est le couvre-feu.

Je sors de plus en plus. J’aime bien. Et tout à coup, je découvre la mer. En fait, je ne savais pas ce que c’était. J’ai demandé à mon grand-père. Il m’a expliqué. Du sable, des gens en maillot de bain qui se baignent, jouent, crient, se font bronzer. Mais là, c’est la nuit alors il n’y a personne.

Le lendemain, je reviens. Je me balade sur la Croisette. C’est beau toutes ces lumières et comme il n’y a personne, alors je marche sur la rue et regarde les vitrines des magasins de luxe. J’ai bien le droit non ?

Je file, je vole. Enfin, non, je suis un sanglier, je ne peux pas voler !

Je rentre chez moi de plus en plus tard et je me fais disputer par mes parents qui ont peur que malgré la disparition des humains, je me fasse tuer.

Moi, dès le lendemain soir, j’y retourne. J’attends que mes parents aient trouvé le sommeil et je pars. Il est plus de minuit. Je marche sur la rue. J’en profite. On parle d’un proche déconfinement ; les voitures vont revenir, les humains et les chasseurs aussi. Alors, il faut en profiter.

Mais, je ne sais pas que je suis filmé par la police municipale qui a remarqué mes venues nocturnes. Les humains, eux, ils ont bien rigolé. « C’est qui celui-là qui se croit tout seul ? » Alors il a été décidé par les policiers de m’empêcher de gambader. La voiture est cachée dans une petite rue ; les policiers m’attendent et quand j’apparais crient de joie dans leur voiture. « Le voilà, le voilà ! ». Ils aiment tellement mon allure qu’ils décident de m’accompagner et de me filmer de plus près. Je vais faire le buzz sur internet et dans la Provence, le journal du coin. Peut-être serai-je invité au prochain Festival de Cannes ? Je me vois très bien monter les escaliers accompagné de ma famille avec une haie d’honneur de chasseurs… non, faut pas rêver !

La police, je l’ai vue mais j’ai fait comme si de rien n’était. Faut pas leur gâcher leur joie. J’ai bien vu qu’elle me filmait, alors je rentre mon ventre et marche d’une fière allure. Je fais même une petite virée vers l’hôtel Palm Beach pour faire durer la promenade.

Les policiers me laissent faire mais je sens leur envie de me faire rentrer chez moi. Peut-être connaissent-ils ma mère et lui ont promis de ne pas me faire de mal et de me reconduire avant le lever du soleil.

Bon… je vais rentrer. J’ai eu mon heure de gloire.

Demain, c’est le déconfinement. Les humains vont reprendre leur vie. Moi, la mienne cachée dans la forêt.