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Notre Dame de l'espérance

de Martine Schlegel

Un samedi soir comme les autres ? Non pas tout à fait, seule, derrière les vitres, je regarde l’orage qui gronde. La pluie fouette les carreaux. Quelques rares passants courent sous les grosses gouttes. Sous les assauts des rafales de vent, certains parapluies résistent, d’autres pas et sont abandonnés dans la rue. Déjà les caniveaux se remplissent et forment de petits ruisseaux. Bientôt, les gueules d’écoulement vomissent les flots, puis elles sont englouties sous le ruisseau. Sur les roues des voitures en stationnement, le torrent remonte fortement.  

Tout en haut de Cannes, juste en dessous de Notre Dame de l’Espérance, dans cette descente où l’eau dévale, j’imagine le petit fleuve qui se forme au croisement des descentes, rejoignant la mer qui doit se débattre pour absorber ce trop-plein et réagir sous la colère du ciel.

Les coups de tonnerre et les éclairs se déchaînent. La pluie s’abat. La grêle se répand de toute sa force. Cela dure des heures qui semblent interminables. Tout cela n’annonce rien de bon. Mais que fait Notre Dame ?

J’ai déjà connu cela, souvenirs d’enfance, dans la maison familiale d’un village de la région parisienne, au croisement des rues, juste en bas de la Rue du Val, la bien nommée ! Oui, mes parents eux savaient, ils l’avaient vécu à plusieurs reprises l’inondation de leur maison, alors ils s’étaient préparés comme à chaque orage. L’orage fini, j’étais sortie dans la rue et regardais vers la montée. Là, je l’ai vu ! La vague de boue, immense, arrivait dévalant la Rue du Val. Je l’apercevais au loin et me trouvai si petite face à elle. Elle arrivait en grondant, c’était impressionnant. Vite, il fallait se protéger et rentrer à l’abri ! Mais, les voitures qui devaient franchir le croisement se sont trouvées prises au piège. Lorsque le réservoir formé en haut de la colline fut vide, le calme revenu, il a fallu passer au nettoyage des rues mais aussi de la cuisine, de la salle à manger, nettoyer les meubles, la cave. Des montagnes de boue ont été retirées. Que d’affreux souvenirs !

Donc en ce soir lugubre à Cannes, je n’imagine pas, je vois, je ressens, je plains déjà sans savoir vraiment ce qui se passe en bas.

Au lendemain de cette « catastrophe naturelle » comme on l’appelle en langage légal, alors qu’il s’agit, en réalité, pour cet évènement du 3 octobre, d’une Apocalypse. Oui, le mot n’est pas trop fort au constat des résultats ! La ville est méconnaissable, dévastée. La population est bouleversée, endeuillée.

Placée sous Notre Dame de l’Espérance, cette fois j’ai été épargnée. Dans le quartier du Suquet, l’église surplombe la ville. Lorsque l’on se promène en centre-ville, si on lève la tête, on aperçoit son clocher. Pourquoi cette pointe tournée vers le ciel, n’a-t-elle pas détourné l’orage ? Pourquoi avoir laissé déferler sur la ville autant de désespoir ? A ces interrogations, nul n’a de réponse évidemment : c’est une catastrophe « naturellement ».

Ville de Cannes, si ton clocher n’a pas su te protéger, l’épreuve qui t’a été infligée a permis de recréer les liens de solidarité de ta population. Encore aujourd’hui, même si toute trace n’a pas encore complètement disparue, il reste profondément inscrit dans le cœur Cannois une union contre tout fléau. Non, l’apocalypse ce n’est pas encore pour cette fois. Cannes se relève, se redresse, se renouvelle ! Au pied de Notre Dame de l’Espérance, l’espoir renaît !