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Le Casino municipal ouvre les festivités

En 1939, au cours de la préparation du premier Festival de Cannes, les responsables pensent déjà aux futures éditions. Ils envisagent de construire un palais réservé à la manifestation cinématographique. Il faut dire qu'à Venise, deux ans auparavant, on a inauguré le Palazzo del Cinema, immense salle dédiée aux projections de films durant la Biennale. Mais à Cannes, il faut attendre quelques années. La guerre, puis le manque de moyens financiers, retardent ce projet.
L'histoire du premier palais du Festival de Cannes commence au début du siècle dernier. En 1898, l'hôtel Gallia ferme ses portes. Il abrite dans ses murs le Casino des fleurs qui, du même coup, disparaît de la carte des établissements cannois. La municipalité de l'époque décide de redonner à la ville un établissement de jeux. Le tourisme est une activité en plein essor et la création d'infrastructures devient une priorité.

Le nouveau casino est inauguré en 1907. Il se situe près de la jetée Albert-Édouard, au début du boulevard de la Croisette. Après la Première Guerre mondiale, des agrandissements sont effectués ce qui lui permet d'accueillir de nombreuses manifestations mondaines. Grâce à son efficace administrateur, M. André, l'établissement fait appel à des architectes reconnus pour se doter, entre autres, d'un bar américain ou d'un somptueux salon des Ambassadeurs. Ce Casino, ainsi mis en valeur, devient un lieu prisé par les touristes et les soirées de galas vont bon train.

Quand en 1939, la ville de Cannes signe le contrat pour organiser le Festival international de cinéma, l'État lui demande des garanties et prioritairement un lieu adapté pour accueillir l'événement. Une clause porte même sur l'équipement de la salle de projection qui doit devenir le symbole la haute technologie française. Le Casino, géré par la municipalité, s'impose naturellement pour l'aménagement de la salle de projection destinée aux films en compétition. Et c'est le hall qui est choisi pour devenir le lieu où se dérouleront les séances. On fait appel à l'architecte du bâtiment, M. Février, pour réaliser le plan d'installation des appareils cinématographiques. Des négociations sont engagées avec diverses entreprises de matériel acoustique et cinématographique pour se fixer sur le prix de la location des équipements.

Pour l'installation de la salle de cinéma, les responsables cannois commandent mille fauteuils, du matériel de sonorisation, de projection et un écran grand format. Ils prévoient également d'engager un ingénieur et deux opérateurs pour s'occuper des problèmes techniques. Le devis s'élève à 140 000 francs auxquels il faut ajouter l'achat d'un tissu recouvrant les murs, pour une meilleure acoustique, de treize ventilateurs et de tapis d'une valeur de 65 000 francs.

Deux mois suffisent pour réaliser ces travaux. Le maire de Cannes, Pierre Nouveau, inaugure la salle et, à cette occasion, met à l'honneur ses administrés qui, grâce à leur volonté, ont permis cette réalisation d'envergure : « En un temps record l'aménagement est réalisé grâce aux entreprises et aux ouvriers cannois qui ont compris immédiatement les raisons de l'effort demandé, » déclare Pierre Nouveau.
La salle est richement décorée et peut accueillir mille spectateurs. Dès le mois d'août, la location des places est ouverte au public. Il est possible d'acheter des tickets à l'unité ou de prendre des carnets d'abonnement, titres en vente dans tous les hôtels cannois ainsi que dans les bureaux des agences Havas de Nice et de Monte-Carlo. Les projections destinées aux membres du jury, aux délégués étrangers et aux journalistes, doivent se dérouler dans une salle voisine, un quart d'heure avant celles destinées aux autres festivaliers. La seule projection privée qui a eu lieu dans cette salle en 1939 est celle de Quasimodo (The Hunchback of Notre-Dame) de William Dieterle, quelques jours avant la déclaration de guerre et l'arrêt immédiat des festivités cannoises.
Les organisateurs cannois ont gagné un pari mais savent bien que ces dispositions, prises à la hâte, restent provisoires. Ils envisagent, dès la première édition, de construire un véritable palais ; l'emplacement est choisi, les maquettes sont réalisées et le nombre de places est doublé. On espère que tout sera prêt pour la manifestation de 1940. Là encore, pour cause de guerre, l'abandon du projet reste inévitable ; il est remis à plus tard. D'ailleurs, en 1946, avec la reprise et la concrétisation du premier Festival de Cannes, le projet de construction réapparaît. Il ne suffit que de quelques années pour voir ouvrir les portes de ce Palais tant attendu. La troisième édition cannoise s'y déroule ; pourtant l'édifice n'est pas entièrement terminé.