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Philippe

Je m’appelle Philippe, je suis président du syndicat des taxis de Cannes. Nous sommes 155 taxis sur la ville de Cannes et nous avons comme rôle la gestion et l’organisation du travail des taxis en fonction des périodes.

Le rythme de notre travail n’est pas toujours le même (en période de congrès ou en période hors congrès). Il est vrai qu’en pleine crise de pandémie, on n’a jamais été interdits de travailler. Néanmoins nous étions en situation un peu bizarre, car en même temps nous avions ce droit d'exercer notre activité, mais à côté il n'y avait pas de clients. En temps normal, notre clientèle regroupe les principales catégories socioprofessionnelles de la ville de Cannes, à savoir les restaurants, les hôtels, les bars… mais tout était fermé !

En ce qui concerne le personnel de santé, on avait lancé une opération pour transporter les soignants, ainsi que les membres administratifs des hôpitaux gratuitement pendant une période de six mois. Ensuite, il y eu la prise en charge par la CPAM, de sorte à ce que nous les taxis conventionnés nous puissions transporter les personnes malades, qui doivent se déplacer pour faire des radios, des chimios, ou tout simplement qui doivent être hospitalisées. Tout cela se faisait gratuitement, car le remboursement des trajets s'effectuait par la CPAM. En fait, grâce aux accords nationaux, la CPAM a pris l'initiative d'encourager le personnel soignant et, par la même occasion, cela nous a permis de travailler. On leur apportait des encouragements, à notre manière, comme la distribution de repas ou encore de friandises, avec du chocolat par exemple.

Durant cette période, un taxi pouvait faire trois ou quatre courses par journée. Généralement, elles s'effectuaient pour déplacer des personnes âgées qui veulent aller au marché ou autre. Leurs déplacements étaient très réduits : pas de coiffeurs, pas de docteurs, pas de divertissement, pas même des visites. Rien de tout ça. Mais quand même, je trouve que nous sommes indépendants des autres socioprofessionnels. Ce qui est rassurant c'est de sentir que maintenant, les choses reprennent. Donc l’espoir est présent, et il l'a toujours été.

En revanche, le grand souci que nous avons est de jauger l’avenir des congrès. Plus particulièrement de savoir comment ça va se répartir entre le présentiel et le distanciel. Est-ce que les congrès seront maintenus avec une grande partie qui sera en présentiel ? Avec la répartition des pays entre orange, rouge s'ajoute à cela avec toutes les frayeurs et traumatismes psychologiques, il faut admettre que les clients provenant d’Amérique du Nord sont quand même axés sur la sécurité. Ils doivent voir par eux-mêmes si la possibilité de venir est déverrouillée, s’ils ont le droit de venir, s’ils veulent venir. Après je me dis qu’avec la situation vaccinale ici en France, nous savons combien de personnes se sont faites vacciner, et le monde le saura aussi. La suite reste un grand point d’interrogation car nous, au-delà de la tenue des congrès, c’est le nombre de participants qui nous intéresse…

Avec le Festival du film, on travaille plus avec les professionnels du Marché du film qu’avec les stars… En fait, notre clientèle sur un festival sera plutôt les journalistes et les photographes, qui se déplacent pour aller à une interview. Les vedettes utilisent plutôt les voitures officielles de l’aéroport et de l’hôtel…

Pour nous, c’était très difficile, au-delà des problèmes de sécurité qui ont été relevés par tout le monde. Nous, on travaille plus sur une clientèle étrangère, même si c'est pour deux ou trois jours, elle aura besoin de nous. Au-delà des différentes concurrences plus au moins loyales… Par exemple, on peut avoir mille Français qui vont venir en famille ici sur la Côte, avec leurs voitures et qui vont à la campagne, ils se déplaceront toujours avec leurs propres moyens… donc pour nous c’est zéro bénéfice !

De ce fait, je pense que notre « point faible » ce sont les moyens de communication, car nous avons une application qui fonctionne sur les mêmes modèles que les plateformes qui ont su se frayer une place dans les consciences collectives. C’est-à-dire, on peut commander un taxi, grâce à la géolocalisation et payer en ligne. Cette application a été mise en place il y a plus de 4 ans, mais nous avons changé de partenaire dernièrement pour évoluer vers  « taxi club ». Cependant, notre problème est de la faire connaitre car, entre toutes les applications existantes, le client qui arrive d’Amsterdam, par exemple, cherchera des applications qu’il connaitra davantage, comme Uber.  Donc pour promouvoir la nôtre, il doit être déjà sur place, et ensuite le convaincre de son utilisation de nos services atypiques.

Nous sommes 155 artisans, et il est clair que nous n'avons pas les moyens d'une multinationale qui ne paie pas de charges et qui peut faire des campagnes publicitaires, tout en offrant des avantages. Après on ne va pas rentrer dans la perpétuel débat et continuer à se plaindre. Mais bon c'est difficile de revendiquer le même service mais avec des dispositions non équitables.

Je pense que notre chiffre d’affaires, par rapport à avant la pandémie, a été réduit de 70 %

Que ce soit sur Cannes ou sur Nice, nous avons tous été très touchés. D’habitude, on travaillait, à plus de 90 %, avec des touristes et des congressistes. On ne peut pas compter plus de trois courses par jour, ce qui fait 7 à 8 personnes, donc ça ne fait rien du tout. En plus de tout ça, pour l’année qui vient, ils n'autorisent plus les croisiéristes à mouiller dans le Port de Cannes. L’année dernière, il y a eu donc zéro croisière, zéro congrès. Cette année, on espère que les congrès vont repartir avec une augmentation de la fréquentation sur notre ville.

Le problème aussi à souligner, c’est qu’on avait des réunions régulièrement avec tous les socio-professionnels. Dans notre cas, le client ne vient pas à Cannes pour prendre un taxi. Nous, nous sommes plutôt le lien entre le client et le restaurateur ou l’hôtel. Le client qui veut aller à la plage, le client qui est dans une location et qui veut aller à Marineland, qui veut faire des courses en ville…

Nous, on ne vient pas à la gare pour faire simplement taxi. On s'y rend pour nos clients… alors qu’il n'y a pas de restaurant, pas d’hôtel,  pas d’avion, rien de tout cela…

Pendant la pandémie, la période moyenne d’attente était entre quatre et cinq heures, il n’y avait personne ! Prenons l’exemple de l’aéroport de Nice : il y avait des chauffeurs qui venaient le soir à 22h, ils dormaient dans leurs voitures pour être premiers le lendemain matin et faire la course à 10h ou 10h30. C'est vrai qu'on a eu moins de mal que les restaurants, le secteur de l’événementiel car on a eu la chance de travailler et continuer notre activité… mais c’était presque pareil par moments !

On a eu également les aides de l'État. Il y avait quelques malheureux qui ont commencé juste avant le Covid, de trois mois. Ces personnes n’avaient pas d’aides contrairement aux anciens chauffeurs. Nous notre problème c’est que nous sommes 155 artisans dans le syndicat, mais on ne peut pas exiger certains choses de nos adhérents, comme par exemple leur demander de s’habiller tous en bleu. Notre objectif est de faciliter les tâches administratives, les mises en relation avec l’État…

Sur la Croisette, il y a 4 stations tous les 800 mètres. Nous avons un avantage c’est que nous sommes très réglementés. Ceci est un avantage pour la profession car être réglementé permet quand même de filtrer, de savoir qui y accède et d’avoir un certain niveau professionnel. Pour exercer la profession de chauffeur de taxi, il faut une carte professionnelle. Pour avoir cette carte,  il est impératif de réussir un examen qui a été mis en place en 1996. Comme n'importe quel examen, il faut réussir un test d’anglais, un test de français et un autre en gestion de règlementation. C'est à travers cet examen que nous demandons que les chauffeurs aient un certain niveau. C'est notre façon de transmettre cette exigence qui nous représente, en tant que chauffeurs de taxi Cannois.

Voilà comment a vécu notre profession, durant cette période et jusqu'à l'heure actuelle. En tout cas, ce que nous espérons, c'est que cette pandémie disparaisse ou du moins qu'elle puisse être mieux maîtrisée. Nous souhaitons retrouver le rayonnement de Cannes que tant de communes nous envient. De retrouver ce dynamisme estival qui nous fait vivre durant l'année et que le résultat des courses de cette période, qui rentrera dans les pages des livres d'histoire de nos enfants, ne soit pas aussi sombre…