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Laurent

Je m’appelle Laurent, j’ai trente-six ans et je suis Cannois. Mon activité, c’est le secteur audiovisuel. J’ai créé Radio Pitchoun /Télé Pitchoun, une radio et chaîne TV jeunesse pour les enfants, dans l’esprit du Club Dorothée. Nous existons depuis juillet 2016.

Pour être honnête, en tant qu’entrepreneur j’ai eu très peur, surtout que nous sommes une startup qui reste fragile, c’est-à-dire une société qui crame encore beaucoup de cash ! On est en plein investissement et ça sera ainsi jusqu’en 2025. Donc c’est vrai que j'ai eu une grande crainte de ce Covid, c'était l’inconnu ! Nous, aujourd’hui, on vit de publicité, de partenariats et de sponsoring. On vit aussi bien entendu grâce aux opérateurs, qui nous payent des redevances… et avec le Covid, on ne savait pas trop où on allait !

L’économie s’est arrêtée soudainement jusqu’en juillet.

Mais en même temps, je n’ai pas à me plaindre parce que, dans notre secteur d’activité, on a gagné de l’audience. La radio et surtout la télé n'ont jamais autant été consommées que pendant la période de crise sanitaire.

Je travaille dans un système qui fait que, en termes de chiffres d’affaires, oui ça faisait peur ! Mais nous avons pourtant gagné de l’audience ! Moi, je vois cette crise comme un élément positif, et je suis peut être le seul entrepreneur à ne pas le trouver négatif ! Cela a remis beaucoup de choses en cause, clairement. Aujourd’hui, au sein de Pitchoun, nous nous sommes réinventés avec de nouvelles émissions. Nous avons également développé le digital, et surtout nous avons pris le temps de réfléchir à l’avenir de notre entreprise.

S’il n’y avait pas eu le Covid, je pense qu’on n’aurait pas réfléchi aussi assidument. On a toujours été le nez dans le guidon. J'ai saisi ce temps pour réfléchir, et puis surtout j’ai eu beaucoup d’opportunités. C’est grâce à ces opportunités qu’aujourd’hui je suis en train de récolter les fruits de ce que j'ai pu construire. Prochainement nous aurons une chaîne de télévision à Cannes, ce qui représente une belle opportunité. Le coté avantageux de la pandémie, c’est que les réunions et les rendez-vous se font essentiellement en virtuel et à distance. J’ai appris à en faire quinze par jour ! Avant, si on me l'avait dit, j'aurais trouvé cela impensable ! J’ai appris que c'était possible aujourd’hui. La gestion du temps est devenue incroyable. Le temps, c'est de l'argent, et j’ai pu faire beaucoup de business grâce à cela ! Voilà donc pour moi une des raisons pour lesquelles le Covid a été plutôt plus positif que négatif.

Pour être honnête, je pense que la vrai guerre aujourd'hui que l'on mène, c’est l’argent. Nous le savons tous. Ma trésorerie n'est pas simple à gérer. Mais, pour l'instant, la chance me sourit au sein du groupe Pitchoun-Médias, car nous avons des investisseurs très solides. Cependant, je me mets à la place d’un entrepreneur de startup, pour qui le Covid a engendré des difficultés financières. Nous n’avons eu droit à aucune aide…

J'avais jamais vu ça de ma vie, franchement.

J’ai vécu la jungle des banques. J’ai un associé qui est un DG financier et qui est basé sur Paris, lui aussi était dépassé par la situation. L’impossibilité d’obtenir des aides était liée à notre statut de startup. En fait, toutes les startups de France ont souffert à ce niveau ! J'ai échangé avec d’autres entrepreneurs pour savoir si cette absence d’aides ne concernait que nous… en fait beaucoup de startups ont souffert comme nous. C'est pour cela,  je remercie le ciel d’avoir des investisseurs en or, parce que franchement ils m’ont suivi, ils m’ont fait confiance, et on a pu traverser cette crise ensemble. Il y a quand même une tristesse qui se dessine chez moi quand j’entends à la télé que les PGE ont aidé tout le monde et que nous, nous n'avons pas pu en bénéficier. Donc voilà, c’est ça qui fait mal je trouve !

En tout cas, je sais que nous ne sommes pas un cas isolé, parce que je suis membre du syndicat des radios et des télés en France. Nous avons échangé, et beaucoup ont été confrontés à la même problématique. Mais une fois encore, étant donné que nous sommes un média, nous avons une boîte de production et à ce niveau nous avons reçu des aides. Deux secteurs d’activités différents, mais qui se rejoignent au final, l'un ne va pas sans l'autre…

En termes d'opportunités durant cette période de pandémie, nous avons pu travailler avec des artistes tels que Cerise. Connue pour avoir collaboré avec Disney en interprétant la voix du personnage de Vaiana, elle est restée avec nous pendant deux jours. Nous organisons sa tournée promo radio médias, et nous sommes très contents de travailler avec elle.

En interne, rien n’a changé. Nous n'avons pas mis en place de nouvelles technologies, ni de nouveau dispositif pour communiquer, en dehors de ce que nous avions déjà. Sauf peut-être pour le digital. En juin, nous allons sortir une plateforme en nous inspirant de celle de Netflix, mais ça sera celle de Pitchoun. C'est une vraie prouesse technologique pour nous, parce que sur la plateforme il y aura la radio, la télé, les podcasts, les lives… la plateforme qui offre un service complet ! On s’est dit qu'il fallait être bons sur les télévisions connectées, sur le digital, sur les applications… On a bien vu que la consommation est gigantesque, surtout chez les enfants, avec une forte demande qu'il faut satisfaire à travers un format digital. Nous avons aussi développé la partie production. La preuve en est que nous produisons notre première artiste, Cerise Calixte. Nous avons produit le single et l’album.

Pour revenir au contexte de Covid, je maintiens l'idée que j'ai perçu cet événement comme une opportunité en tant qu’entrepreneur. Je ne sais pas pour les autres, mais en tant que chef d’entreprise, c’est une opportunité parce que les gens, je trouve, se sont quand même plus rapprochés. Moi honnêtement j’ai eu des contacts juste incroyables, que je n’aurais jamais pu concrétiser il y a encore deux ans en arrière…

Tout le monde était disponible !

Les gens étaient réactifs, ils étaient là, présents ! C'est là qu'il fallait saisir les opportunités, car dans le business, les miracles n’existent pas !

En toute honnêteté, j'en garde un très bon souvenir, et j’espère de tout cœur que ce moment a été profitable pour d’autres entrepreneurs. Ce sera difficile jusqu’à la fin de l’année, faut pas se voiler la face et je ne crois pas une seule seconde que ça reprendra là, maintenant, en claquant des doigts… mais ça reprendra, je pense, en janvier 2022. A titre personnel, j’en suis ressorti renforcé ! J’ai une autre vision de l’entreprise, une autre vision de ce que peut être une équipe et  une autre vision du business. Je vois les choses différemment. Il y a eu un avant et un après Covid…

Je suis certain qu'il y a pire que nous, mais la plupart des gens se plaignent et regardent si l'herbe du voisin n'est pas plus verte ! Alors qu'en fait il suffit de réfléchir et penser à des solutions. D'un point de vue personnel, c'est ce que j'ai fait et je me porte bien…

C’est dans la souffrance qu’on grandit.

C’est la souffrance qui nous forge. Nous avons trop pris l'habitude de vivre dans le confort (…) Après, c’est l’union qui fait la force. Rien ne marchera si l’on n’intègre pas cette philosophie. L'individualisme et le chacun pour soi, ça ne marche pas et ça ne marchera jamais ! On s’en est sorti tous ensemble. J’ai même négocié par exemple, avec le conseil départemental et avec toutes les radios locales du coin, la signature d’une convention pour produire des concerts avec des artistes qui ne pouvaient plus le faire à cause du contexte. Grâce à  cette convention, ils ont pu être diffusés à la radio en live. Toutes les radios locales que j’ai choisies, en partenariat avec le département, ont été payées et ça leur a fait des revenus. En même temps, les artistes étaient contents parce qu’ils passaient en live tous les samedis soirs sur nos radios. Nous avions le même programme en commun, ce qui n’avait jamais été fait auparavant ! C'est un exemple tout bête, mais j’ai cherché à associer les artistes qui n’avaient plus d’emploi, qui n’avaient plus de cachet, pour les soutenir et faire vivre les radios ! Pendant le Covid on a produit douze émissions, financées par le département 06. Cette initiative a eu beaucoup de succès !

Je pense qu'il y a des secteurs qui vont disparaître… l’événementiel va prendre un sacré coup, je pense. Dans mon secteur de l’audiovisuel, je ne pense pas que le résultat des courses soit aussi catastrophique. La seule chose à dire, c’est qu'il ne faut pas qu’on retombe, parce que ce sera le coup de trop ! Si on refait comme l’année dernière, si l’on reconfine, honnêtement on sera cuits ! Nous avons déjà reçu deux coups, le troisième sera fatal et pour nous tous !