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Jean-Michel Arnaud

Je suis Jean-Michel Arnaud, élu délégué à la culture à la ville de Cannes. Je suis parallèlement directeur du Palais des festivals et des congrès et président de la SEMEC, société qui gère le palais et qui a pour vocation de valoriser et de développer la destination Cannes pour le tourisme de loisir, mais également le tourisme d'affaire en accueillant le festival, les congrès, les conférences et les conventions… bref, tout ce qui nous a manqué en 2020 et qui nous l'espérons redémarrera en 2021…

Je ne suis pas Cannois d'origine, mais cette ville représente pour moi un port d'attache depuis plus de 40 ans. Je m'y suis installé depuis bien longtemps de cela et j'étais ravi que Monsieur David Lisnard m'ait proposé de faire partie de sa liste. Une nouvelle aventure s'offrait à moi. J'ai parallèlement une activité professionnelle, en tant que vice-président de Publicis consultant et directeur de « l'Abécédaire des institutions » qui est une revue institutionnelle à destination du monde public. Je suis également auteur ; j’ai publié un livre avec David Lisnard en 2018, qui s'intitulait « Refaire communauté », et en 2019, « l'Europe utile » qui était un plaidoyer pour l'Europe, juste avant les élections européennes de 2019. Actuellement, je viens de sortir un nouvel ouvrage sur le duo et son pouvoir. Un plaidoyer qui revalorise le chiffre « deux » sous toutes ses formes : amoureuses, amicales, familiales, inter-espèces, professionnelles… C'est un juste milieu entre ce tout collaboratif et cet hyper individualisme qu’est la société d'aujourd'hui.

"L'annonce de la pandémie, pour moi a été perçue d'une manière très brutale".

Les élections étaient le 15 mars, et on a été confinés le 17. Nous n'avons pas pu reprendre toutes nos fonctions pendant deux mois. Cela m’a permis de beaucoup réfléchir sur mes futures responsabilités, puisque les activités du Palais et celles de la Culture ont été stoppées net. Le confinement a mis en suspens tous les événements, toutes les manifestations, les lieux de cultures (musées et cinémas) et aussi les spectacles. Dans un premier temps, j'ai constaté que l'activité s'arrêtait, et qu’il fallait pour le Palais saisir ce temps pour mettre en place un plan de relance. Un plan qui est à la fois économique, pour valoriser l'offre du Palais, travailler sur la sécurité sanitaire, toutes les normes, et mettre en place l'hybridation du Palais puisque beaucoup de choses allaient se passer à distance. Un plan qui concerne aussi l'accueil avec un vaste programme lancé avec les socioprofessionnels : « Cannes Résilience ».

Ce programme a rassemblé des hôteliers, plagistes, taxis, restaurateurs, et tous les acteurs du biotope cannois en vue de réfléchir à cette destination. Une réflexion par rapport au tourisme de loisir, au tourisme d'affaire, au digital, pour savoir comment, en cette période de peu ou pas d’activités, nous pouvions mettre à profit l'intelligence de tout le monde pour améliorer l'offre du Palais et de la destination Cannes. Il faut être meilleur aujourd'hui, afin de se surpasser pour demain. C'est ce que nous faisons d'ailleurs actuellement en finalisant tout ce travail fourni depuis le premier confinement. Nous débuterons bientôt notre réflexion sur les missions du Palais, sur le sens et la raison d'être de ce lieu.

En ce qui concerne la culture, la stratégie mise en place par la Mairie de Cannes et mise en œuvre par la direction de la Culture, a été de préserver et de permettre aux Cannois, de lire, de jouer et d'interagir à distance, de préserver l'activité culturelle des Cannois. Quant aux acteurs du spectacle, il fallait les soutenir. Nous avons subventionné toutes les parties prenantes, tout en déplaçant les événements ou en les produisant dans les écoles, mais en tout cas nous avons envisagé toutes les solutions, excepté les annulations.

En terme de migration digitale, on a travaillé sur l'hybridation du palais avec "Cannes Virtual Event". Une plateforme qui permet grâce à un avatar, de visiter le Palais des congrès et d'assister à une conférence. Par ailleurs, nous allons développer un studio TV pour réaliser du streaming et produire un certain nombre de conférences, interviews et prises de parole, des enregistrements et une bande passante plus importante. Cependant, comme il y a eu peu de manifestations cette année, nous n’avons pas pu tester la consommation des participants des congrès à distance afin d'évaluer son succès. Est-ce que ça sera plus scan virtual 3D ou plutôt est-ce que les gens s'orienteront sur une forme 2D, ou vont-ils simplement se connecter sur les événements comme auparavant ? On n'en sait rien aujourd'hui car, une fois encore, il y a eu peu de choses, mis à part quelques salons de petite taille. Nous verrons avec les événements qui viennent si cette hybridation digitale et les offres que nous proposons à travers ce format marcheront ou pas. Si les jauges baissent, c'est à dire si moins de gens viennent, nous verrons si les gens se connectent et comment ils se connectent, et nous pourrons évaluer tout simplement le degré de consommation. Nous ne le découvrirons qu'en fin d'année.

Les études menées aujourd'hui montrent que le monde d’après sera différent du monde d'avant. Nous n'allons pas redémarrer de la même façon. Ce qui est sûr, c’est qu'il y a un manque, et donc une volonté des gens de se retrouver… Ce qui est certain, c'est qu'

"il y aura toujours du présentiel."

Les congressistes ont besoin de se rencontrer et de se voir dans des cadres conformes. La particularité de Cannes est justement cette unicité de lieu. L'étranger qui arrive à Cannes se retrouve facilement, avec le Palais des congrès qui se trouve en plein centre ville et donc extrêmement accessible. Autant il y a des destinations qui peuvent se dire menacées, quand il faut prendre des transports en commun pour aller dans des hangars énormes et avec une capacité d'accueil de quarante-cinq mille personnes, autant à Cannes ce n'est pas du tout le cas. La jauge maximale ici est de douze mille-quinze mille personnes et tout est décarboné. Tout se fait à pied. De plus, la météo est très agréable. Après je suis pratiquement sûr que les jauges vont baisser avec la crise sanitaire, mais de là à attester que l'équilibre économique de la ville sera ébranlé, je ne crois pas.

Cela me rappelle une phrase de Camus dans son ouvrage « La peste » : "et puis on revoit les gens recommencer à affluer sur le port d'Alger", ce qui sous entendait que tout était redevenu comme avant. Il n’y a qu'à voir les terrasses à l'heure actuelle, ou encore les magasins de la rue d’Antibes.

Il est indéniable que les gens ont besoin de fêtes, de culture et Cannes est une ville de festivals. Notons que festival et fête ont les mêmes racines et nous avons justement le festival du film, le festival des séries, les rencontres littéraires, la biennale de la danse… Festival et fête ont les mêmes racines !

La crise a déjà coûté 300 milliards d'euro à l'État et ça ne peut pas durer des années. Le pire scénario serait que la pandémie reprenne avec un variant x et que les vaccins ne soient pas efficaces sur ces variants. Ce qu'il faut saluer, c'est qu'en moins d'un an, le monde a réussi à trouver un remède à ce virus par la vaccination. Des gens sont morts, d'autres resteront sans doute avec des séquelles de santé graves et pour certains des pathologies ainsi que des traumatismes psychologiques. Donc personnellement si toutefois il y a une 4e vague à ce moment, il faudra revoir le modèle économique. Dans le cas de crise comme celle que nous vivons, je prends toujours l'exemple des périodes d’après-guerre. Ce sont souvent des périodes de rayonnement au plan économique, artistique et culturel.

"Les gens sont enthousiastes à l'idée que le pire soit derrière eux".

Ils veulent festoyer, danser et surtout avancer pour se reconstruire. L'être humain a une capacité inouïe à rebondir, j'y crois et si ce n'était pas le cas,  nous ne serons pas là. Nous existons depuis des milliers d'années et nous avons tenu… l'homme est fort grâce à sa résilience !

Jean-Michel Arnaud