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Les reflets de Cannes

1er Prix moins de 18 ans

De Lina Khalk

Depuis que le phénomène météorologique s'était abattu sur les régions de la France, il y a déjà deux cent ans, la civilisation avait repris peu à peu son cours. Ce tsunami a certes dévasté la façon de dont les anciens vivaient, mais il nous a aussi apporté de nouvelles connaissances. C'est alors que les villes se sont dotées de nouvelles technologies très fructueuses, l'adaptation génétique a aussi bien évolué. Souvent, je m'intéresse au monde d'avant en lisant les récits des anciens et de leur passage sur l'ancien monde. J'ai grandi à Cannes. Depuis mon enfance, je connais chaque recoin de la ville et de ces habitants. J'adore transmettre par mon sourire la joie de vivre. Il faut bien se faire à l'idée qu’il y a deux types de personnes : les Cannois habitués des lieux, leurs sourires et les passants qui sont seulement de passage dans notre ville qui eux sont tous pressés et envieux de découvrir notre patrimoine touristique qui prête quant à eux des sourires éphémères. Les sourires les plus chaleureux, appartiennent aux commerçants du marché Forville. Il m'arrive parfois de faire des tours exprès pour observer la gentillesse de ses commerçants.

–Bonjour Adela, alors ça va aujourd'hui tu achètes de la Socca ?

Je refuse gentiment en laissant ce monsieur reprendre son masque à air et se confiner dans sa bulle de verre pour pouvoir maîtriser au mieux le feu. Je le regarde appuyer sur le sas, les murs du marché commencent à trembler et d’étranges bulles sortent de son appareil. Un signal sonore s’actionne, tous les regards sont alors posés sur lui. Il est l'un des seuls à vouloir encore maîtriser l'ancien feu. Son métier m’impressionnera toujours. Il se fait déjà tard, le ciel scintille, il est midi l'atmosphère est chaude, on doit atteindre la vingtaine de degrés. L'été approche, les oursins commencent leur période de reproduction. Quand on leurs portent de l’attention, on les observe un peu de partout. À l’époque, j'ai pu lire que les anciens appréciaient les cuisiner et les manger, cela a bien changé. Je reprends ma marche pour aller au château de la Castres. Je dois me rendre à la bibliothèque. J’adore prendre un livre et m'asseoir en ayant la vue sur la baie de Cannes. Les murs de notre bibliothèque raconte beaucoup d’histoire, c'était un monastère devenu un musée, il a servi de protection durant la période post tsunami et maintenant c'est la bibliothèque de Cannes. Elle détient un panel de livres sur la vie des anciens, beaucoup néglige les récits et les photos des anciens mais moi au contraire, je trouve beaucoup de similitudes avec notre vie actuelle. Je reprends mon souffle, après avoir gravi plus de la moitié de l’ascension du Suquet. Mon regard est alors attiré par les stylophoras violettes qui habillent la vue et le muret qui entoure la bibliothèque et le centre pH-métrique installé dans notre Dame d’Espérance. Ce sont de magnifiques algues violettes semblables aux anciens bougainvilliers qui ont subi différentes mutations. J’arrive sur la place de l’église, le petit train est arrivé. Au même moment à son bord, une centaine de touristes se dirigent un à un vers le centre pH-métrique. Chaque nouvel arrivant, nouveau-né ou simplement touriste de Cannes, doit alors se faire mesurer son taux de pH. Ceux ayant un pH inférieur ou égal à sept, se voient obliger de reprendre le petit train pour retourner chez eux. Les autres individus doivent normalement avoir un pH supérieur à huit.

Vous me demanderez pourquoi ? C’est simple, depuis le tsunami nos corps se sont révélés  avoir un pH plus pauvre que les anciens. Les touristes possédant un ancien pH, doivent quitter Cannes pour ne pas perturber notre milieu. Les nouveau-nés Cannois contrairement aux touristes possèdent péremptoirement un taux valide, on les teste quand même par mesure de précaution. Je me fraye un chemin parmi les vacanciers. J’ouvre la porte de la bibliothèque, j’aperçois à peine au loin la bibliothécaire penchée dans son bouquin dans ce lieu sombre et sinistre. À mon entrée, ses yeux globuleux se sont relevés dans ma direction, ses yeux se plissent, je devine derrière son ouvrage son petit sourire. Je tends ma nageoire vers le scanner pour m’identifier. L’appareil émet un signal sonore « Adela … Passage autorisé … pH correct … bonne lecture ». Je franchis la barrière, ce lieu sombre devient subitement lumineux. Le soleil traverse les vitraux qui ornent ce magnifique lieu, je me dirige à la section « ancien monde », emprunte encore une fois un ouvrage sur la ville de Cannes. Je ressors de ce lieu silencieux et retrouve le bruit extérieur. Je vois le maire de Cannes descendre les marches de la mairie et rentrer dans l’un des coquillages-voitures exposés devant la mairie. Les hélices du moteur s’actionnent, le chauffeur m’adresse un sourire en décrochant par la même occasion sa cocarde devant de son tableau de bord. Je m’insère dans les petites ruelles de la rue Meynadier. J’avance le pas pour me rendre au plus vite chez moi afin de ne pas croiser le regard de ma mère avec mon bouquin dans mes mains. J’ouvre la porte, et monte les escaliers en ondulant rapidement les marches et en dissimulant mon livre dans la couture de ma robe. J'insère la clé, et j'entends la voix chantonnante de ma mère « Adela, il n’est pas temps, tu as fini à dix heures, il est bientôt quatorze heures, que faisais-tu ? Tu te baladais encore je me trompe ! ». Je rentre dans la cuisine, et aperçois enfin ma mère, elle a un visage doux. Mais lorsque j'erre dans la ville, j'assiste à tout un cirque de sa part. Elle s'approche de moi, j’essaye de ne pas bouger pour que le livre reste collé à ma nageoire dorsale. C’est trop tard, ses mains palmées me font tourner et ses ventouses accrochent mon livre. Elle lit à haute voix le titre, et son visage se transforme sous mes yeux. Son visage deviens rouge, ses branchies se gonflent et sa voix atteint les aiguë. Elle me confisque mon ouvrage et me rappelle les mêmes absurdités que les autres ne cessent de me répéter. Les anciens vivaient ici, partageaient les mêmes coutumes que nous mais le tsunami a laissé derrière eux leur monde. Nous avons évolué, avec leurs savoirs mais nous sommes très différents. Elle ouvre une page de mon livre s’arrête devant une photo, elle me pointe les différences avec notre monde. « SAIS-TU RESPIRER L’AIR DES HUMAINS ? » « AS TU DÉJÀ VU DES ARBRES ? » « C’EST QUOI CET ANIMAL PLEIN DE POILS ET CELUI CI QUI NAGE DANS L’AIR ? ». Je sais que c’était un chien et un pigeon mais j’en n’ai jamais vu de mes propres yeux, les seuls oiseaux que l’on peut apercevoir ici, ce sont les reflets des becs des mouettes. J’écoute ma mère avoir raison. Mes yeux se remplissent d’air qui remonte peu à peu vers toutes les fissures possible se trouvant dans notre vieil appartement pour rejoindre la surface. Je vois au loin les petites bulles d’air monter et rapetisser en même temps. « Adela, c’est pour ton bien que je te dis ça, je veux que tu profites de ta vie ». J’essuie mes larmes d’air et retourne dans ma chambre, m’assois face à ma fenêtre. Des crépitements se font sur le verre, j’observe des dorades royales créant des amas, j’ouvre ma fenêtre pour leur faire peur, ils nagent vite pour rejoindre un autre groupe de poissons. Je reste statique, accrochée à la poignée et contemple ma belle ville. Les murs des habitations sont recouverts de belles algues. Le courant n’est pas fort, ce qui laisse le sol avec une fine couche de sable, on peut apercevoir les petits Cannois s’amuser à disperser les bancs de poissons. Les rayons de soleil en fin de journée transpercent l’eau créant des lueurs ocres. Je commence à m’assoupir en terminant la lecture d’un ouvrage retraçant la vie des anciens.